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Citations de « Fahrenheit 451 »

Fahrenheit 451 est un livre écrit par l'américain Ray Bradburry en 1953 dont l'histoire ce déroule dans une société de consommation et de culture de masse qui possède des brigades de pompiers non pas destinées à éteindre les feu, mais à brûler les livres.

J'ai beaucoup apprécié ce livre, bien sûr parce que ce qu'il dénonce me paraît encore terriblement d'actualité (et le sera probablement longtemps), mais aussi pour la poésie de son écriture (même dans sa traduction française, qui est de Jacques Chambon et Henri Robillot). Pour l'anecdote, le titre « Fahrenheit 451 » fait référence à la température à laquelle le papier se met à brûler spontanément au contact de l'air (elle équivaut à environ 233° celsius).

Les numéros de pages cités ci-dessous font référence à la parution du roman chez Folio SF en 1995.

  • P40

    En fin d'après-midi, il se mit à pleuvoir et le monde entier vira au gris sombre.

  • P53

    Je suis insociable, paraît-il. Je ne m'intègre pas. C'est vraiment bizarre. Je suis très sociable, au contraire. Mais tout dépend de ce qu'on entend par sociable, n'est-ce pas ? Pour moi, ça veut dire parler de choses et d'autres comme maintenant. » (...) « Ou de tout ce que ce monde a d'étrange. C'est bien de se trouver en compagnie. Mais je ne pense pas que ce soit favoriser la sociabilité que de réunir tout un tas de gens et de les empêcher ensuite de parler. Une heure de télé-classe, une heure de basket, de base-ball ou de course à pied, encore une heure à copier de l'histoire ou à peindre, et encore du sport, mais vous savez, on ne se pose jamais de question, en tout cas la plupart d'entre nous ; les réponses arrivent toutes seules, bing, bing, bing, et on reste assis quatre heures de plus à subir le télé-prof. Ce n'est pas ma conception de la sociabilité. On n'a là que des entonnoirs dans lesquels on verse de l'eau dont on voudrait nous faire croire que c'est du vin quand elle ressort par le petit bout. On nous abrutit tellement à la fin de la journée on n'a plus qu'une envie: se coucher ou aller dans un Parc d'Attractions bousculer les gens, casser des carreaux à L'Éclateur de Voitures avec la grosse boule en acier. Ou encore sortir en voiture et foncer dans les rues en rasant les lampadaires en jouant "au premier qui se dégonfle" et à "cogne-enjoliveurs". Au fond, je dois être ce qu'on m'accuse d'être. Je n'ai pas d'amis. C'est censé me prouver que je suis anormal. Mais tous les gens que je connais passent leur temps à brailler, à danser comme des sauvages ou à se taper dessus.

  • P54

    – Des fois je les écoute en douce dans le métro. Ou aux distributeurs de rafraîchissements. Et vous savez quoi ?

    – Quoi ?

    – Les gens ne parlent de rien.

    – Allons donc, il faut bien qu'ils parlent de quelque chose !

    – Non, non, de rien. Ils citent toute une ribambelle de voitures, de vêtements ou de piscines et disent : "Super !" Mais ils disent tous la même chose et personne n'est jamais d'un avis différent.

  • P70

    Comment devient-on aussi vide ? se demanda-t-il. Qui fait ainsi le vide en nous ? Et cette horrible fleur de pissenlit, l'autre jour ! Elle résumait tout, non ? « Quel dommage ! Vous n'êtes amoureux de personne ! »

  • P78

    Il doit y avoir quelque chose dans les livres, des choses que nous ne pouvons pas imaginer, pour amener une femme à rester dans une maison en flammes ; oui, il doit y avoir quelque chose. On n'agit pas comme ça pour rien.

  • P79

    – Te laisser tranquille ? Très bien, mais comment je fais pour me laisser tranquille ? Nous n'avons pas besoin qu'on nous laisse tranquille. Nous avons besoin de vrais tourments de temps en temps. Ça fait combien de temps que tu ne t'es pas vraiment tourmentée ? Pour quelque chose d'important, quelque chose d'authentique ? »

  • P86

    Les personnages de tel livre, telle dramatique, telle série télévisée n'entretiennent aucune ressemblance intentionnelle avec des peintres, cartographes, mécaniciens existants. Plus vaste est le marché, Montag, moins vous tenez aux controverses, souvenez-vous de ça ! Souvenez-vous de toutes les minorités, aussi minimes soient-elles, qui doivent garder le nombril propre. Auteurs pleins de pensées mauvaises, bloquez vos machines à écrire. Il l'ont fait. Les magazines sont devenus un aimable salmigondis de tapioca à la vanille. Les livres, à en croire ces fichus snobs de critiques, n'étaient que de l'eau de vaisselle. Pas étonnant que les livres aient cessés de se vendre, disaient-ils. Mais le public, sachant ce qu'il voulait, tout à la joie de virevolter, a laissé survivre les bandes dessinées. Et les revues érotiques en trois dimensions, naturellement. Et voilà, Montag. Tout ça n'est pas venu d'en haut. Il n'y a pas eu de décret, de déclaration, de censure au départ, non ! La technologie, l'exploitation de la masse, la pression des minorités, et le tour était joué, Dieu merci. Aujourd'hui, grâce à eux, vous pouvez vivre constamment dans le bonheur, vous avez le droit de lire des bandes dessinées, les bonnes vieilles confessions ou les revues économiques.

  • P87

    On a toujours peur de l'inconnu. Vous vous rappelez sûrement le gosse qui, dans votre classe, était exceptionnellement "brillant", savait toujours bien ses leçons et répondait toujours le premier tandis que les autres, assis là comme autant de potiches, le haïssaient. Et n'était-ce pas ce brillant sujet que vous choisissiez à la sortie pour vos brimades et vos tortures ? Bien sûr que si. On doit tous être pareils. Nous ne naissons pas libres et égaux, comme le proclame la Constitution, on nous rend égaux. Chaque homme doit être l'image de l'autre, comme ça tout le monde est content ; plus de montagnes pour les intimider, leur donner un point de comparaison. Conclusion ! Un livre est un fusil chargé dans la maison d'à côté. Brûlons-le. Déchargeons l'arme. Battons en brèche l'esprit humain. Qui sait qui pourrait être la cible de l'homme cultivé ? Moi ? Je ne le supporterais pas une minute. Ainsi, quand les maisons ont été enfin totalement ignifugées dans le monde entier (votre supposition était juste l'autre soir), les pompiers à l'ancienne sont devenus obsolètes. Ils se sont vu assigner une tâche nouvelle, la protection de la paix de l'esprit ; ils sont devenus le centre de notre crainte aussi compréhensible que légitime d'être inférieur : censeurs, juges et bourreaux officiels. Voilà ce qui vous êtes, Montag, et voilà ce que je suis. »

  • P90

    Si vous ne voulez pas qu'un homme se rende malheureux avec la politique, n'allez pas lui casser la tête en lui proposant deux points de vue sur une question ; proposez-lui-en un seul. Mieux encore, ne lui en proposez aucun. Qu'il oublie jusqu'à l'existence de la guerre. Si le gouvernement est inefficace, pesant, gourmand en matière d'impôt, cela vaut mieux que d'embêter les gens avec ça. La paix, Montag. Proposez des concours où l'on gagne en se souvenant des paroles de quelque chanson populaire, du nom de la capitale de tel ou tel État ou de la quantité de maïs récoltée dans l'Iowa l'année précédente. Bourre les gens de données incombustibles, gorgez-les de "faits", qu'ils se sentent gavés, mais absolument "brillants" côté information. Ils auront alors l'impression de penser, ils auront le sentiment du mouvement tout en faisant du sur-place. Et ils seront heureux parce que de tels faits ne changent pas. Ne les engagnez pas sur des terrains glissants comme la philosophie ou la sociologie pour relier les choses entre elles. C'est la porte ouverte à la mélancolie. Tout homme capable de démonter un télécran mural et de le remonter, et la plupart des hommes en sont aujourd'hui capables, est plus heureux que celui qui essaie de jouer de la règle à calcul, de mesurer, de mettre l'univers en équations, ce qui ne peut se faire sans que l'homme se sente solitaire et ravalé au rang de la bête. Je le sais, j'ai essayé. Au diable, tout ça. Alors place aux clubs et aux soirées entre amis, aux acrobates et aux prestidigitateurs, aux casse-cou, jet cars, motogyres, au sexe, et à l'héroïne, à tout ce qui ne suppose que des réflexes automatiques. Si la pièce est mauvaise, si le film ne racontre rien, si la représentation est dépourvue d'intérêt, collez-moi une dose massive de thérémine. Je me croirai sensible au spectacle alors qu'il ne s'agira que d'une réaction tactile aux vibrations. Mais je m'en fiche. Tout ce que je réclame, c'est de la distraction.

  • P102

    – Mais le sujet favori de Clarisse n'était pas elle-même. C'étaient les autres, et moi. C'était la première personne depuis bien des années qui me plaisait vraiment. La première personne dont je me souvienne qui me regardait bien en face, comme si je comptais pour elle. »

  • P112

    On aurait dit que le vieillard n'était pas sorti de chez lui depuis des lustres. Il présentait une ressemblance frappante avec les murs de plâtre de sa maison.

  • P115, 116 et 118

    En fait, il nous manque trois choses.

    « Savez-vous pourquoi des livres comme celui-ci ont une telle importance ? Parce qu'ils ont de la qualité. Et que signifie ce mot qualité ? Pour moi, ça veut dire texture. Ce livre a des pores. Il a des traits. Vous pouvez le regarder au microscope. Sous le verre vous trouverez la vie en son infini foisonnement. Plus il y a de pores, plus il y a de détails directement empruntés à la vie par centimètre carré de papier, plus vous êtes dans la "littérature". C'est du moins ma définition.

    (...)

    – Et la seconde ?

    – Le loisir.

    – Oh, mais nous avons plein de temps libre

    – Du temps libre, oui. Mais du temps pour réfléchir ?

    (...)

    Et trois : le droit d'accomplir des actions fondées sur ce que nous apprend l'interaction des deux autres éléments.

  • P116

    Le téléviseur est "réel". Il est là, il a de la dimension. Il vous dit quoi penser, vous le hurle à la figure. Il doit avoir raison, tant il paraît avoir raison. Il vous précipite si vite vers ses propres conclusions que votre esprit n'a pas le temps de se récrier : "Quelle idiotie !"

  • P127

    – Je ne pense pas par moi-même. Je fais simplement ce qu'on me dicte, comme toujours. Vous m'avez dit d'aller chercher l'argent et j'y suis allé. L'initiative n'est pas vraiment venue de moi. Quand commencerai-je à agir de mon propre chef ?

    – Vous avez déjà commencé en disant ce que vous venez de dire. Il faudra me croire sur parole.

    – Les autres aussi je les ai crus sur parole !

    – Oui, et regardez où ça nous mène. Il vous faudra avancer à l'aveuglette pendant quelque temps. Vous avez mon bras pour vous accrocher.

    – Je ne veux pas changer de camp pour continuer à recevoir des ordres. Il n'y a aucune raison de changer si c'est comme ça.

    – Vous voilà déjà fort avisé ! »

  • P128

    (...) il vit leurs sourires de chat du Cheschire s'imprimer, flamboyant, sur les murs de la maison (...)

  • P172

    Ça incubait. Je le sentais depuis longtemps, je couvais quelque chose, ce que je faisais ne s'accordait pas avec ce que je pensais. Bon sang, tout était là. C'est un miracle que ça ne se soit pas vu, comme quand on engraisse.

  • P204

    « Je hais ce Romain du nom de Statu Quo ! me disait-il. Remplis-toi les yeux de merveilles, disait-il. Vis comme si tu devais mourir dans dix secondes. Regarde le monde. Il est plus extraordinaire que tous les rêves fabriqués ou achetés en usine. Ne demande pas de garanties, ne demande pas la sécurité, cet animal-là n'a jamais existé. Et si c'était le cas, il serait parent du grand paresseux qui reste suspendu toute la journée à une branche, la tête en bas, passant sa vie à dormir. Au diable tout ça, disait-il. Secoue l'arbre et fais tomber le paresseux sur son derrière ! »

  • P211

    Et gardez toujours cette idée en tête : vous n'avez aucune importance. Vous n'êtes rien du tout. Un jour, il se peut que ce que nous transportons rende service à quelqu'un. Mais même quand nous avions accès aux livres, nous n'avons pas su en profiter. Nous avons continué à insulter les morts. Nous avons continué à cracher sur les tombes de tous les malheureux morts avant nous. Nous allons rencontrer des tas de gens isolés dans la semaine, le mois, l'année à venir. Et quand ils demanderont ce que nous faisons, nous pourrez répondre : nous nous souvenons. C'est comme ça que nous finirons par gagner la partie. Et un jour nous nous souviendrons si bien que nous construirons la plus grande pelle mécanique de l'histoire, que nous creuserons la plus grande tombe de tous les temps et que nous y enterrerons la guerre.